mazzantini

la mer, le matin

                                                                      de Margaret Mazzantini

« Deux mères et deux fils que la Méditerranée sépare. Deux rives, deux pays, deux histoires que l’Histoire avec un grand H relie pourtant. »[quatrième de couverture]

Farid et Jamila sur une barque en Méditerranée, Vito et Angelina sur une petite île italienne. Du déjà entendu, du déjà lu ? Non, car l’écriture ici est tellement lumineuse, tellement remplie d’humanité qu’elle paraît à la fois nouvelle et indiscutable.

Un livre poignant, un livre qui vous place vis-à-vis de vos responsabilités,  quel que soit le lieu où vous vivez.

MAZZANTINI Margaret, La mer, le matin, Editions Robert Laffont S.A., Paris, 2012

Lecture proposée par Sylvie Daubignard

Salina

Salina,      LES Trois Exils

                                                     de Laurent Gaudé

Bébé recueilli par une femme du clan Djimba, Salina devenue femme est chassée à deux reprises de cette tribu. Âgée, le moment venu, elle part mourir dans la montagne. Son dernier fils va l’enterrer au loin, derrière ces montagnes, sur une île du bord de mer, racontant sur la barque du passeur toute la vie de sa mère. Un roman magique, le portrait d’une femme exceptionnelle et surprenante.

Il y a toujours la notion de route dans les romans de Laurent Gaudé. Dans Eldorado, le commandant Piracci, qui navigue  pour intercepter les embarcations des migrants clandestins, finit par prendre le chemin de ces migrants à contre-courant. Quelque temps auparavant, il a sauvé une femme dont le bébé est mort lors de la traversée et qui repart se venger de son passeur assassin. Dans La mort du roi Tsongor, à son plus jeune fils, Souba, échoit la mission de parcourir le continent pour y construire sept tombeaux. Dans Écoutez nos défaites, de multiples routes s’entrecroisent : celle d’Hannibal traversant les Alpes pour être finalement vaincu par les Romains en Italie, celle d’Haïlé Sélassié, Négus fuyant l’Ethiopie envahie  par les Italiens en 1936, celle du Général Grant parcourant victorieux les plaines du Sud des Etats-Unis lors de la guerre de Sécession.

Il y a une immense humanité dans tous ces ouvrages et il faut absolument suivre Laurent Gaudé sur tous ces chemins.

Gaudé Laurent, Salina, Editions Actes Sud, 2018.

Lecture proposée par Collectif Vents du Monde.

smara

SMARA,  Carnets de route d’un fou du désert 

                                                                                                    de Michel Vieuchange

En 1930, quand Michel Vieuchange part pour Smara, il s’aventure dans une zone hostile où de nombreuses tribus sont en guerre contre les Français, colonisateurs de l’Algérie et de la Mauritanie. Les militaires français combattent au Sahara occidental et à l’ouest de la Mauritanie contre le chef religieux Sahraoui Ma El Aïnin, qui a construit en 1895 un fortin à Smara jusque-là simple point d’eau et carrefour caravanier et d’où il a lancé un appel à la guerre sainte contre les colonisateurs. Ma El Aïnin meurt en 1910. Mais ses fils continuent la lutte contre les Français. En 1913, une colonne française partie de Mauritanie arrive à Smara et détruit partiellement la ville, qui est abandonnée.

Michel Vieuchange, qui a fait son service militaire au Maroc, connait l’histoire de Smara et rêve d’y aller. Il vient au Maroc en août 1930 avec son frère, Jean, chargé d’assurer les arrières en cas de capture. Le jeudi 11 septembre, il part avec ses guides. Le voyage est très dur, il doit se déguiser en femme ou se cacher dans le couffin en raison des tribus hostiles. Il souffre terriblement des pieds. Enfin le samedi 1er novembre, il arrive à Smara où il ne peut passer que trois heures, compte tenu des dangers environnant qui poussent ses guides à vouloir repartir très vite. Sur le voyage du retour, il attrape une dysenterie. Son frère le récupère fin novembre dans la ville de Tiznit d’où un avion de la Compagnie générale aéropostale les transporte jusqu’à Agadir. Mais la dureté du voyage à travers le désert, les privations et la sévérité de la dysenterie ne permettent pas à Michel Vieuchange de se remettre. Il meurt le 30 novembre au matin.

Son frère a récupéré ses carnets de note qui racontent le périple dans le désert. En 1932, ces carnets sont publiés aux Editions Plon et réédités en 2004 aux Editions Phébus Libretto. Ce livre est un joyau pour qui aime le désert et pour tous ceux qui rêvent d’aventure, de mondes nouveaux, de voyages, de route… A lire absolument !

En voici quelques extraits :

Jeudi 11 septembre.

On part…

Je marche. C’est mon seul but – suivre. Il n’y a plus ni jour ni nuit pour moi. Un seul besoin : atteindre. Je dormirai n’importe où, je souffrirai n’importe quoi.

Samedi 1er novembre. Toussaint !!

Midi un quart : Smara !

… En contrebas, dans un désert sans végétation – et c’est impressionnant, cette terrible nudité -, je n’aperçois, distinguant mal, qu’une cité de mirage…

Trois ou quatre photos.

Un peu plus loin, la ville apparaît toute entière : …

…le Reguibat est déjà près des chameaux. Il fait coucher la grande chamelle, défait les cordes, ouvre le couffin, me presse avec des cris. J’ai encore le temps de tirer ma montre. Il est 3 heures. Sans précaution, sans burnous pour amortir les chocs, on me ficelle dans le couffin.

    Je n’ai même pas pu jeter un dernier regard vers la ville.

…Me voici à présent ayant atteint le but… J’ai vu tes deux kasbas et ta mosquée en ruine. Je t’ai vue tout entière posée sur ton socle, face au désert, déserte, dans le silence, sous l’ardent soleil…Trois heures seulement j’ai erré dans tes ruines – chassé aussitôt loin de toi.

…En t’apercevant, et en passant devant le front que tu offres au soleil couchant, levant vers toi mes yeux sans m’arrêter …en homme qui simplement veut voir, je sentis une brusque chaleur dans ma poitrine, un mouvement de mon cœur…

Michel Vieuchange, Smara, Editions Libretto, 2013

Lecture proposée par Collectif Vents du Monde.