Pour son livre Migration, une histoire de la migration de ces hommes et femmes qui « s’attaquent à la forteresse Europe ». Un long texte en vers, en trois parties : le désert, la mer, les limbes. Un texte de lecture parfois complexe, dans lequel il faut accepter d’entrer et d’avancer lentement ; des vers écrits avec une langue simple, d’une grande beauté, où les mots, qui sonnent juste, jouent entre eux, peut-être pour rendre supportable le désespoir et la sensation d’impuissance qui se dégagent de ces vers. Cette concision du propos renforce ces sentiments, nous laissant seuls avec notre conscience.
Poète et traducteur, né à Fès au Maroc en 1964, Mohammed El Amraoui écrit en français et en arabe. Il se produit dans différents lieux et festivals.
Extrait de la deuxième partie : La mer
pages 57 et 58.
« De l’eau ! dit l’enfant
L’enfant
les lèvres gercées
petites feuilles à nervures creusées
prêtes à tomber
De l’eau ! dit l’enfant
La mère mélange lait et eau de mer
dans le biberon
l’enfant recrache
les lèvres les yeux fanés
la mère le père marmonnent prières
promptes broyées
Il est froid !
La mère resserre la masse éteinte le cou
flétri
C’est la mort, dit quelqu’un
Les yeux des autres tus
les yeux des autres demi-vivants
Il est minuit
Le croissant recourbe sa lame
et fait un croche-pied au destin
dit le père
Ce qui est écrit est écrit
dit quelqu’un
et ça s’écrit avec la lame
dans nos petits cœurs dit le père
et jette le corps
par-dessus bord
L’eau sombre grande gueule de
torrents qui avale
tout
L’enfant tombé
L’ombre restée dans les bras
Juste
la forme d’un bercement – »
DALYA DAOUD
Cette auteure nous parlera de son premier roman, Challah la Danse, publié aux Editions Le Nouvel Attila.
Elle y décrit, avec beaucoup d’affection, partant de souvenirs largement personnels, la vie dans un lotissement ouvrier d’un village des Monts du Lyonnais, situé à proximité de l’usine de tissage. Cette chronique se déroule de 1983 à 1998, s’attachant au quotidien d’une dizaine de familles, et notamment à celui des jeunes qui vont grandir dans ce lotissement.
Un récit parfois drôle, parfois émouvant.
Avant de se consacrer uniquement à l’écriture, Dalya Daoud a été journaliste, puis rédactrice en chef de Rue89Lyon, site internet d’information locale qu’elle a co-fondé en 2012.
Extrait : Les Bonbons 1987, Usine Brocard Frères
[Smaïl, maintenant en invalidité, a travaillé dans cette usine de textiles et vit au Lotissement avec ses enfants, dont le dernier, Bassou, vient d’étudier au collège La révolte à deux sous, de Bernard Clavel]
pages 79-80
Bassou aurait voulu parler avec Smaïl de son travail à l’usine, lui demander si les étoffes qu’il avait transportées avaient été de la soie, comme chez les canuts, mais il n’osait pas. Il craignait de le blesser ou de l’entendre une fois encore parler de la mort. Bassou but d’un trait son verre de lait froid sans laisser le temps à l’Ovomaltine de s’y dissoudre et Smaïl s’aperçut que son fils le regardait de manière insistante.
Plus tard, il demanda à sa soeur Jihane :
« – Mais le papa, c’était un canut ?
– Qu’est-ce que tu racontes. Les canuts, ça n’existe plus. C’était une autre époque.
– Le papa était quand même pas payé au mètre de tissu ?
– Mais non, imbécile. Tu as cru qu’il était né dans quel siècle ? Il recevait un salaire, j’en sais rien, cinq mille francs par mois, peut-être.
– Mais c’est rien du tout, ça. En fait, ils auraient pu se révolter eux aussi.
– Pour quoi faire ?
– Pour un meilleur salaire, je sais pas.
– Tu les vois, les vieux du Lotissement, taper un zbeul à l’usine ? T’as de ces idées. Qu’est-ce qui te prend, depuis quand l’usine et le travail du papa t’intéressent ? »
Y en a qui ont été pendus dans le livre, des agitateurs et des grévistes qu’on avait fait taire pour l’exemple, pour que passât chez les autres l’envie de réclamer. S’ils s’étaient révoltés, que leur serait-il arrivé, aux ouvriers Brocard ? Y avaient-ils seulement songé ? Qui aurait noué la corde au cou de Hassan Amrouche ou de Bouzid Fahd parce qu’ils auraient demandé davantage d’argent ? Pour Bassou, la nuque de son père était brisée depuis longtemps. Smaïl n’avait plus mis les pieds dans l’usine depuis plusieurs années mais il en parlait comme s’il lui appartenait encore. Il espérait qu’elle ne l’avait pas oublié.
Mais qui sont les peuples autochtones ?
Plus de 476 millions de personnes autochtones vivent dans 90 pays du monde, ce qui représente 6,2 % de la population mondiale. Parmi eux, on compte plus de 5 000 groupes distincts.
Les peuples autochtones parlent une majorité écrasante des quelque 7 000 langues existant dans le monde (entre 4000 et 5000 langues, la moitié d’entre elles étant vouées à disparaître d’ici à 2100).
Les populations autochtones sont des groupes sociaux et culturels distincts qui ont en commun une continuité historique avec un territoire donné avant la colonisation et entretiennent un lien fort avec leurs terres. Ces populations ont des liens ancestraux collectifs avec les ressources naturelles et les terres où elles vivent, qu’elles occupent ou dont elles ont été déplacées. Ces terres et ressources dont elles dépendent sont intrinsèquement liées à leur identité, leur culture, leur subsistance économique, ainsi qu’à leur bien-être matériel et spirituel.
Les peuples autochtones maintiennent, du moins en partie, des systèmes sociaux, économiques et politiques qui leur sont propres. Ils ont des langues, des cultures, des croyances et des systèmes de connaissances distincts. Ils sont déterminés à maintenir et à développer leur identité et leurs institutions distinctes et ils constituent un secteur non dominant de la société.
Alors qu’ils possèdent, occupent ou utilisent seulement un quart de la surface de la planète, les peuples autochtones protègent 80% de la biodiversité mondiale. En outre, selon des études récentes, les terres forestières qui sont sous le contrôle de communautés autochtones détiennent au moins un quart des stocks de carbone aérien des forêts tropicales et subtropicales. Les populations autochtones possèdent une expertise et un savoir ancestral qui leur permettent de s’adapter aux risques liés au changement climatique et aux catastrophes naturelles, mais aussi de les atténuer et d’en réduire la portée.
Si une grande partie des terres occupées par les peuples autochtones leur appartient au titre du droit coutumier, de nombreux gouvernements ne leur reconnaissent la propriété officielle ou légale que d’une infime fraction de ces territoires. Et même en cas de reconnaissance officielle, les moyens de protection des limites de territoire ou d’utilisation et d’exploitation des ressources naturelles sont souvent insuffisants. Cette insécurité foncière est un facteur de conflit, de dégradation de l’environnement et de développement économique et social limité. Elle menace la pérennité des cultures et de systèmes de savoir essentiels, et ces pertes culturelles accentuent les risques de fragilité, le recul de la biodiversité, la dégradation des systèmes de santé environnementale et animale, mettant en péril les services écosystémiques dont nous dépendons tous.
Données Organisation des Nations Unies.
Photos : un bushman de Namibie, un Inuit, deux indiennes d’Amazonie.
ATELIERS GRAPHIQUES POUR PETITS ET GRANDS ENFANTS
samedi 8 novembre
de 10 heures à 12 heures 30 et de 14 heures à 17 heures
dimanche 9 novembre
de 10 heures à 12 heures 30
Hall de la Médiathèque et Salle socio-culturelle.
Maquillages selon les rites aborigènes d’Australie et selon les traditions des peuples de l’Amazonie (uniquement le samedi de 14 heures à 17 heures)
Peintures sur bois, sur papier, sur galets, à partir de modèles que nous adressent les peuples autochtones.
Initiation à l’alphabet inuktut, l’alphabet des Inuit canadiens.
Apprends à écrire ton prénom en inuktut. Mais le pourras-tu ?
Décode un message rédigé en symboles aborigènes.
= 1 kangourou
Ateliers de collages de tissus africains
(uniquement le samedi de 14 à 17 heures) avec l’association Ensemble pour l’école de N’Diao.
POUR ALLER PLUS LOIN SUR LE THÈME DU FESTIVAL : Migration et Mondes autochtones
EXPOSITION AU MUSÉE DES CONFLUENCES à Lyon : AMAZONIES
Jusqu’au 8 février 2026
Sur le site du musée :
Une forêt dense à perte de vue perçue comme impénétrable et inhospitalière. L’immensité d’un fleuve, l’Amazone, qui zigzague à travers l’épaisseur des arbres. Quand on évoque l’Amazonie, les images se bousculent. Mais imaginons-nous la diversité de celles et ceux qui habitent cette forêt ?
Dans l’exposition, les peuples ashaninka, mebêngôkre (kayapo), wayana et apalaï prennent la parole pour nous raconter leur perception du monde et leurs luttes pour défendre leurs droits et leurs territoires. Par la diversité des objets et des témoignages relevés lors de missions de terrain, le musée des Confluences lève le voile sur une Amazonie plurielle et ancrée dans notre monde moderne.
Comment habiter notre monde ? Plus de 200 photographies documentaires, œuvres d’art – dont certaines inédites -, témoignages, vidéos, infographies et installations explorent les liens entre les dynamiques des migrations humaines, mais aussi plus globalement du vivant, et le dérèglement climatique.
au Palais de la Porte Dorée
293, avenue Daumesnil
Paris 12ème arrondissement
Du 17 octobre 2025 au 5 avril 2026
DU SLAM AU FESTIVAL AVEC FIFAMÉ
Venez nombreux écouter Fifamé.
Elle interprétera pour nous trois slams, un au cours de la soirée du VENDREDI 7 NOVEMBRE et deux au cours du café littéraire, SAMEDI 8 NOVEMBRE.
Pour Fifamé, être slameuse, c’est écrire et interpréter ses textes, c’est mettre la poésie au service de l’humain, c’est partager et interpeller.
Ses mots sont simples, sa voix est claire, son slam est à la portée de tous. Elle slame a cappella, la mélodie vient seulement des mots. Les slams qu’elle déclame sont parfois drôles, parfois tristes ; ils voyagent de l’alexandrin à la prose, ils touchent des personnes proches ou éloignées de la poésie, rendant celle-ci vivante et accessible à tous, de six à cent six ans.
Toutes ses œuvres permettent des prises de conscience et invitent à la tolérance et au respect du vivant. Elle partage des problématiques collectives en y apportant son point de vue et en appelant chacun à s’engager dans la construction d’un monde plus sain, humainement et écologiquement.
PROGRAMME DU VENDREDI 7 NOVEMBRE, PREMIÈRE SOIRÉE DU FESTIVAL
20 HEURES 15 : LE TEMPS DU SLAM :
Fifamé nous interprète Le Roi du Dahomey
20 heures 30 : le temps du conte :
« Le Corbeau voyageur »
Spectacle-lecture de contes autochtones par le Caveau des Lettres, de la Maison des Jeunes et de la Culture
Pot de l’amitié à la fin du spectacle.
« Au Nord du Canada, Grand Corbeau écoute, émerveillé, des contes du peuple inuit. Il décide de parcourir le monde à la découverte d’autres contes. Il va voler jusqu’en Amazonie, va traverser ensuite l’Atlantique pour gagner l’Afrique, la Mongolie, puis la Chine, avant de se poser en Australie où il rencontre un frère corbeau aborigène, dernier conteur de ce voyage, dévoilant pourquoi tous les corbeaux sont noirs. »
Avec Grand Corbeau, venez découvrir ces contes autochtones du monde entier.
VENDREDI 7 NOVEMBRE à 20 HEURES 30 AUDITORIUM DE LA MEDIATHEQUE
Il est, de par le monde, des peuples autochtones, que l’on appelle aussi peuples racines ou peuples premiers, car premiers habitants de terres qui leur furent volées, ou qu’on leur vole encore, par des hommes, le plus souvent blancs, apportant dès le XVIème siècle une technologie prétendument supérieure qui a justifié l’exploitation, l’extermination, l’acculturation de ces populations.
Ces peuples racines existent sur tous les continents et ils luttent pour continuer à exister, des Inuits de la région polaire canadienne aux Guarani d’Amazonie, des Bushmen du désert du Kalahari en Afrique aux Aborigènes d’Australie.
Tous ces peuples autochtones ont en commun une culture essentiellement de transmission orale, avec des contes racontés par les anciens, les sages, les chamanes, contes qui remontent à l’origine des temps et qui révèlent les liens des hommes avec tous les autres êtres vivants, animaux, arbres, plantes, au sein de Mère-Nature à laquelle tous appartiennent.
Ces contes, ce sont des hommes blancs, savants, qui sont allés les écouter, qui les ont collectés, qui les ont écrits sur les pages de carnets destinés plus tard à des bibliothèques où l’on peut les lire.
Mais le conte, c’est une parole, c’est un chant, ce sont des mots qui ruissellent de la vie des habitants de la Nature et qui changent dans le temps et dans l’espace. C’est une chorale de sons issus du feulement du jaguar comme du croassement du corbeau, des mots qui voyagent… comme notre corbeau inuit.
Spectacle créé par le Caveau des Lettres de la MJC de Chaponost.
On n’oublie pas les enfants ! CINÉMA
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Dimanche 9 novembre à 15 heures
Auditorium de la Médiathèque de Chaponost
Un film jeune public – ou pas – à partir de 6 ans.
L’histoire d’une petite fille de Bornéo et de son cousin autochtone qui se perdent dans la forêt et arrivent sur les lieux d’une déforestation massive.
En avant-première du festival, le 15 octobre à 20 heures
un film présenté par le Ciné-Club
LE CHEMIN DE L’ESPÉRANCE Il Cammino della Speranza
réalisé par Pietro Germi, avec un scénario de Federico Fellini.
Un film de 1950 sur l’immigration clandestine italienne de l’époque.
Une copie restaurée.
Film présenté en sélection officielle au Festival de Cannes en 1951; présenté à nouveau en sélection officielle du Festival de Cannes 2021 Section Classics.
Récompensé par l’Ours d’Argent au Festival de Berlin 1951.
Au Café littéraire du samedi 8 novembre 2025, Auditorium de la Médiathèque, 10h30 à 12h30.
Nous avons le plaisir de recevoir Mohamed El Amraoui, poète, et Dalya Daoud, romancière, pour leur livre qui traite de façon différente du phénomène migratoire.
La séance sera animée par Maryse Vuillermet, chaponoise, écrivaine, elle-même auteure de deux ouvrages qui racontent la vie de ses ascendants immigrés italiens, Mémoires d’immigrés valdotains et Pars ! Travaille !.
Pour se rapprocher de la réalité quotidienne des migrants, nous accueillerons aussi Mohamed Mostapha, réfugié syrien kurde, hébergé pendant un temps à Chaponost.
Pour illustrer en « voix » notre propos et en introduction de notre séance, Fifamé slamera un magnifique texte, Pablo, qui évoque les migrants hispaniques à la frontière mexico-américaine. Fifamé clôturera la matinée par un autre slam en lien avec le deuxième thème de notre festival, les mondes autochtones : Je suis la Terre.